16 novembre 2006

On a déménagé...

Je vous rappelle que nos débats ont migré... A ceux qui débarquent ici pour la première fois, ou qui reviennent voir ce qui s'y passe : ce blog avait pris fin en janvier dernier, à mon retour à Paris; Il a refait surface en septembre à une nouvelle adresse, celle des éditions Les Arènes, pour accompagner la sortie d'un livre, Cinq ans en Chine, qui reprend justement le "best of" de ce blog-ci.
A ce propos, je vous signale que nous -vous et moi- avons eu les honneurs du blog de Pierre Assouline, la République des lettres, l'incontournable blog littéraire, dans une note sur ces blogs qui deviennent des livres. Commentaire d'Assouline : "L’originalité de l’édition et le soin apporté à sa fabrication font de ce livre un excellent prolongement de la blogosphère, une fois n’est pas coutume." Merci!
Et rendez vous sur l'"autre" blog...

Rédigé par Pierre Haski le 16 novembre 2006 à 16:47 dans Weblogs | Lien permanent | Commentaires (10) | TrackBack (0)

01 octobre 2006

contournement

En attendant de trouver une solution au problème d'accessibilité du nouveau blog, je vous rappelle qu'il existe des moyens de contournement qui marchent, comme me le signalent certains d'entre vous qui résident en Chine. Ca s'appelle des "proxies", des sites qui permettent d'aller là où on veut vous empêcher d'aller, en brouillant les pistes... Mon préféré, quand j'étais à Pékin, était le joliment nommé "anonymouse", et il y a aussi "secure tunnel". Une fois sur ces sites, il vous suffit d'entrer l'adresse du nouveau blog, www.cinqansenchine.net, et le tour est joué... Bonne balade!

Rédigé par Pierre Haski le 1 octobre 2006 à 15:57 dans Weblogs | Lien permanent | Commentaires (11) | TrackBack (0)

26 septembre 2006

c'est reparti...

On croirait retrouver les discussions de l'an dernier... Avant même d'être lancé, le blog cinqansenchine.net est inaccessible aux internautes en Chine selon ce que vous me signalez! A moins d'être totalement parano, je me refuse à penser qu'il puisse s'agir d'un cas de censure. Ce serait d'autant plus paradoxal que ce blog-ci, lui, est toujours disponible librement à partir de la Chine, alors qu'il avait été bloqué pendant plus de six mois avant d'être brusquement "libéré" le jour où j'annonçais qu'il cessait d'exister! Alors problème technique ? On cherche, mais si l'un d'entre vous a une suggestion sur la manière de rendre le site des Arènes et l'accès au nouveau blog disponibles, il est le bienvenu...

Rédigé par Pierre Haski le 26 septembre 2006 à 06:23 dans Weblogs | Lien permanent | Commentaires (22) | TrackBack (0)

24 septembre 2006

du blog au livre

Couv25Vous avez aimé le blog ? Vous adorerez le livre...
Amis de ce blog, qui l'avez suivi, qui y avez bataillé tout au long de son année de vie jusqu'à mon retour à Paris en janvier dernier, je vous annonce avec émotion la sortie d'un livre qui reprend en partie certains des grands moments de "Mon Journal de Chine". Le livre s'intitule "Cinq ans en Chine" (ed. Les Arenes), et reprend 80 de mes reportages de Chine, de larges extraits du blog, ainsi que 150 photos dont beaucoup de celles qui ont été mises en ligne tout au long de cette année.
A cette occasion, je reprends le fil de notre dialogue, non pas sur ce site car c'est celui de Libération, mais en ouvrant un nouveau blog sur celui de mon éditeur, les Arènes. C'est peut-être une première dans l'édition, l'ouverture d'un dialogue en direct entre un auteur et les lecteurs, autour d'un livre, mais plus largement, sur tout ce que vous voudrez...
Je vous attends sur www.cinqansenchine.net
Pierre Haski

Rédigé par Pierre Haski le 24 septembre 2006 à 18:22 dans Weblogs | Lien permanent | Commentaires (14) | TrackBack (0)

23 juin 2006

SNCF, c'est pas possible

Ce n'est pas seulement qu'il est difficile de s'éloigner de ce blog, c'est aussi un "suivi" sur une info que j'avais donnée ici-même l'an dernier (le 29 avril), et qui avait suscité de chauds débats. En pleine crise du textile entre la Chine et l'Europe, la SNCF avait annoncé qu'elle allait faire fabriquer les chemises des tenues de ses employés ... en Chine, tout en veillant au respect des normes sociales. Eh bien, le verdict est tombé aujourd'hui : selon un porte-parole de l'entreprise nationale cité par l'AFP, la SNCF renonce pour l'instant à faire fabriquer une partie des tenues de ses agents en Chine, un audit ayant révélé des conditions de travail non conformes aux normes de l'Organisation internationale du travail (OIT). A la suite d'un audit, mené en collaboration avec l'ONG Yamana, la SNCF a constaté que les conditions de travail dans les six usines chinoises où étaient produites principalement des chemises et cravates pour des agents d'escale de la SNCF "ne correspondaient pas à la convention de l'OIT". L'histoire ne dit pas où seront finalement fabriquées ces chemises, mais c'est une mésaventure assez exemplaire.

Rédigé par Pierre Haski le 23 juin 2006 à 04:06 dans France-Chine | Lien permanent | Commentaires (165) | TrackBack (3)

16 juin 2006

nuits de chine...

Ce blog est mort, l'affaire est entendue... Mais il bouge encore un peu, à en juger par les débats qui s'y poursuivent malgré moi, ou (heureusement) sans moi. Mais je viens de recevoir un texte dont l'auteur, Léo de Boisgisson, Française, figure incontournable de la musique à Pékin dont nous avons déjà parlé ici lors de l'organisation des Transmusicales de Rennes à Pékin l'an dernier, souhaite qu'il soit diffusé parmi tous ceux qui s'intéressent, vivent ou fréquentent les nuits pékinoises. Ce blog lui permettra d'avoir plus de lecteurs, et de susciter quelques réactions dont j'imagine déjà qu'elles seront vives.
PH

Mourir d’ennui dans la Chine de l’entertainment
2006, à Pékin bizarrement pas un mot sur les 30 ans de la fin de la révolution culturelle mais on commémore les 20 ans du rock en Chine .On mandate Cuijian, le godfather du rock chinois pour l’organisation d’un festival dans le nord du pays. Encore un festival excentre loin de la capitale avec une programmation composée des mêmes groupes dinosaures censés incarner le mouvement et de quelques jeunes pas au point…
Le journal shanghaien le Bund dans un de ses articles commémoratifs citait les fameuses paroles que Cuijian avait lancé a la face de toute une génération en 1989 : « je n’ai rien au monde ». 20 ans plus tard qu’est ce que les artistes musiciens ont de plus en Chine ? Pas grand chose, a mon sens. En 20 ans ni les musiciens, ni les labels indépendants n’ont réussi a créer le contexte destiné a les faire subsister et a faire évoluer leur musique. Par contre, en moins de 10 ans, la Chine s’est tout bonnement recouverte de clubs et de lounges, de top djs mondiaux et de whisky Chivas…
Le pékin wild de la fin des années 90 est bien loin, beaucoup de groupes ont splitté, certains ont partis faire du business, d’autres on troqué le rock contre la noise et l’expérimental, sans doute fatigués des messages qui ne mènent a rien, et pendant ce temps la, la moitié de la jeunesse urbaine se trémousse sur du r’n’b et de la progressive trance dans des bars énormes, tape à l’œil et identiques. Quel ennui, quel ennui….
S’il y a bien quelque chose qui me fait peur au niveau de la mondialisation, ce ne sont pas les Starbucks café d’ou j’écris cet article, mais l’uniformisation du fun et des lifestyles. C’est a se demander ce que ce grand pays millénaire qu’est la Chine a a offrir a ses rejetons boulimiques pour l’avenir. C’est plutôt à cette question que les rockeurs devraient tenter de répondre au lieu d’organiser des concerts de métal qui font peur à la population.
Voila 10 ans que je pratique la Chine, 8 ans que je vis les 3/4 de l’année a Pékin, capitale auto proclamée de la culture, de l’avant garde et des musiques indépendantes, mais honnêtement, Pékin me parait bien loin de son statement. Elle est rattrapée elle aussi par la culture du loisir de masse et voit s’amenuiser le champ d’action des vrais créateurs qui malgré le nombre de la population pékinoise, reste terriblement minoritaires. La faute a qui?
Bien sur a la difficulté, ou plutôt l’impossibilité pour ces groupes et collectifs de se structurer d’une manière légale comme autour d’une association par exemple, l’équivalent des lois 1901 étant tout bonnement interdit ; Au syndrome des petits cercles undergound, peu cohésifs qui ne fait que morceler davantage ces forces individuelles déjà trop éparpillées.
Donc, face au trou noir de la société civile et de l’initiative indépendante, que reste t’il? Des clubs, des bars, des discothèques géantes qui brillent dans la nuit, bref du business et du mauvais goût.
La semaine dernière, un ami technicien m’invite fièrement à l’opening d’un nouveau bar club autour du lac Houhai dont il a fait l’installation. La simple location du lieu ne m’inspire guère confiance. Houhai est bien un des endroits de pékin qui a le plus souffert du lifting que l’entertainment impose à des quartiers entiers. D’un petit îlot de calme et de verdure niche derrière la cite interdite, le quartier a été défiguré par les panneaux fluo de Budweiser et la machina electronico boum boum, ajoutez à ça la world cup et vous etes à bof land déguisée en pagode… arrivée là bas, je confirme , le club est une horreur, encore une de ces disco bars surchargée de déco cheap entre Buddha bar et discothèque de province française, une offense directe au patrimoine local et une torture pour les oreilles avec le disc jockey local qui joue ‘i’m a Barbie girl’ en mp3. Mon ami me présente tout le monde en grande pompe, me fait sortir mes cartes de visite, les managers sont enchantés, honorés d’avoir une précieuse hôte française dans leur humble club de plusieurs millions de yuans tandis que toute une troupe de serveurs pré- pubères se pressent en uniforme de foot pour prendre ma commande….
Globalement en Chine, le monde de la nuit est peuplé d’un bon nombre d’incultes qui dépensent leur budget Chivas sur des Paul Oakenfold ou des Tiesto, persuadés répondre aux besoins de leur clientèle (qui n’y connaît rien !!!)… leur vision du marche est cristallisé autour du clubbing de masse, et aucune tentative n’a été entreprise pour offrir une quelconque alternative aux clubbers qui faute de quoi, prennent ce qu’on leur donne.
En plus les chinois sont d’excellents copieurs, ca, tout le monde le sait. Coté style, tout y est, allez au Mix même un mardi soir et vous trouverez le club plein de b boys et de fly girls tout droits sortis des clips de 50 cent, les filles ont en général un centimètre de jupe sur le corps, les garçons, des casquettes et des baggy et tout le monde se trémousse sur …Tragédie !! Groupe de r’n’b français que j’ai découvert ici en Chine avec surprise et épouvante … bref, il faut faire quelque chose ou alors se rendre à l’évidence que l’eldorado chinois n’est en fait qu’un grand Chinagora.
Peut être que je peux paraître naïve, mais puisque la Chine souhaite tant importer des bouts d’occident et même toute sa façade, peut être que c’est a nous les « laowai » comme ils nous appellent de tacher d’amener un peu de contenu pour remplir toute cette forme et de ne pas se laisser séduire par tout le bling bling de l’économie de marche. Pour qu’un jour le rock chinois se fasse entendre plus loin que la province du Liaoning, il faudrait juste qu’il sache qui il est et ce qu’il peut amener au monde avec sa différence, de même pour les artistes occidentaux, il serait bon qu’ils aient une démarche d’échange, histoire que les cervelles se frottent et qu’il en ressorte un dialogue avec plein d’aspérités peut être, mais ça nous changerait du trailer du fun néo colonial ou Antoine Clamaran joue de la house molle pour une bande de frenchy a Shanghai…
Leo de Boisgisson
[email protected]

Rédigé par Pierre Haski le 16 juin 2006 à 17:14 dans culture | Lien permanent | Commentaires (69) | TrackBack (1)

06 juin 2006

prix Kessel 2006

Une nouvelle page de pub après la fermeture de l'antenne... Je ne résiste pas à la tentation de vous annoncer que mon livre "Le Sang de la Chine, quand le silence tue", publié l'an dernier chez Grasset et dont nous avons déjà débattu sur ce blog, a reçu le prix Joseph Kessel 2006. Le prix m'a été remis dimanche 4 juin (c'est un hasard mais ça ne s'invente pas!) à Saint Malo dans le cadre du Festival des Etonnants Voyageurs (auquel participaient d'ailleurs plusieurs auteurs chinois, dont Mo Yan, et le prix Nobel Gao Xingjiang). C'est le deuxième prix décerné à ce livre, après le prix International des médias de Genève à la fin de l'an dernier. Alors que de récents visiteurs au Henan me disent que pas grand chose, hélas, n'a changé dans la manière dont sont traitées les victimes de ce scandale du sang sur lequel porte le livre, ces prix constituent une modeste contribution à la résistance au cynisme ambiant. Avec l'espoir que les choses bougent pour les paysans du Henan victimes du VIH, avant que ce ne soit trop tard pour eux.

Rédigé par Pierre Haski le 6 juin 2006 à 18:06 dans France-Chine | Lien permanent | Commentaires (180) | TrackBack (0)

06 janvier 2006

dernier accrochage

Comme pour les vrais adieux, je reviens pour un dernier mot avant de m'envoler pour la France: pour rendre hommage, une fois n'est pas coutume, à la police chinoise, ou disons plutôt, à un certain type de policier chinois...
J'ai eu hier un petit accrochage en voiture sur un grand axe pékinois, à un carrefour, sous les yeux d'un motard de la police. Accident provoqué par un malentendu entre l'autre conducteur et moi : j'ai privilégié la priorité à droite tandis que l'autre, déjà engagée sur le carrefour lorsque son feu était au vert mais coincée par la circulation, a cru bon d'avancer au même moment... Bref, peu de dégats mais un peu tout de même.
Le motard nous a fait nous mettre sur le bord de la route, m'a attribué la responsabilité que j'ai mollement contestée car je dois admettre que j'ai un peu forcé le passage, puis, nous a mis devant un marché : soit vous réglez ça à l'amiable ici et tout de suite, soit on remplit des papiers, et ça prendra des heures... Il m'a demandé si j'étais prêt à indemniser la conductrice sur le champs. J'ai accepté et offert 200 yuans (20 euros) pour ses quelques erraflures... Elle a aussitôt appelé son mari qui lui a conseillé d'en réclamer ... 1500 (150 euros), ce qui m'a fait pousser des grands cris d'effroi.
Le motard, en véritable juge de paix, m'a pris par l'épaule et m'a demandé de faire un petit geste supplémentaire, faisant valoir que la femme était enceinte (!), que j'étais en tort même si les règles n'étaient pas claires pour moi. J'ai proposé 400 yuans (40 euros). Il a ensuite pris la femme par l'épaule, lui a dit que j'étais un "ami étranger" qui montrait de la bonne volonté, et lui a conseillé d'accepter mon offre. Ce qu'elle a fait malgré la demande de son mari.
AccidentNous nous sommes quittés bons amis tous les trois, avec sourires et claques dans le dos, après un bel exercice de justice à l'amiable sans paperasse, sans bureaucratie, et dans l'intérêt de tous. Châpeau!
Cette fois c'est sûr, c'est fini!... Mais si vous êtes pékinois aujourd'hui, je vous invite à ma fête d'adieu, ce vendredi soir à partir de 20h au bar "Bed", près de Gulou (adresse dans tous les That's Beijing et autres city guides...). Vous serez les bienvenus.
(photo d'un accident précédent qui m'était arrivé sur une autoroute dans le Hebei, une jeune paysanne apparemment dérangée était montée sur l'autoroute et s'était mise à danser, provoquant un carambolage... Elle était ensuite passée sur l'autre voie et avait récidivé, avant de disparaître dans la campagne. La négociation entre conducteurs avait été autrement plus compliquée...)

Rédigé par Pierre Haski le 6 janvier 2006 à 12:55 dans société | Lien permanent | Commentaires (431) | TrackBack (4)

20 décembre 2005

Merci!

Jardin7Merci à tous ceux qui m'ont exprimé ces derniers jours leur amitié et leur plaisir de lecteurs de ce blog. J'ai aussi pris beaucoup de plaisir à le rédiger, mais aussi à l'interactivité parfois "chaude" qui s'y est manifestée : le signe que la Chine ne laisse pas indifférent. Merci enfin, comme le fait remarquer l'un d'entre vous ce matin, à ceux qui, à Pékin, ont le pouvoir de bloquer ou d'autoriser un site, d'avoir "libéré" ce blog le jour où il prend fin! J'ai pu moi aussi me connecter librement de Pékin ce matin, pour la première fois depuis six mois. Ca me donnerait presque envie de continuer...
Merci enfin à ceux qui formulent des encouragements pour la suite, c'est-à-dire, en ce qui me concerne, un retour en France et au siège de Libération. Le retour en France, on en a déjà parlé: le décalage sera intéressant après plus de cinq ans d'absence... Pour Libération, c'est une autre histoire. J'espère en tout cas vous retrouver sous une autre forme dans l'avenir, pour poursuivre à la fois le voyage entamé avec ce blog, mais surtout l'aventure commune de ce journal auquel je crois malgré ses difficultés actuelles, et auquel je suis très attaché, comme le sont, je pense, de nombreux lecteurs. A bientôt, donc.
P.H.
(une dernière photo, qui n'a rien à voir...)

Rédigé par Pierre Haski le 20 décembre 2005 à 11:27 dans Weblogs | Lien permanent | Commentaires (292) | TrackBack (0)

19 décembre 2005

le bonheur de Ma Shiping

Dscn4064Pour terminer ce blog sur une note relativement optimiste, je voudrais vous parler d'une jeune femme dont la personnalité et le destin m'ont marqué pendant mon séjour en Chine. Elle s'appelle Ma Shiping, membre de la minorité Hui (musulmans chinois) de la province du Ningxia, dans le nord-ouest de la Chine, et cousine de Ma Yan, l'auteur du Journal dont j'ai assuré la publication dans Libération  en janvier 2002, puis en livre.
Ma Shiping et Ma Yan ont à peu près le même age (19 ans pour la première, bientôt 18 ans pour la seconde), toutes deux nées dans le village de Zhang Jia Shu, et filles de paysans pauvres, dans une région misérable frappée par une sécheresse chronique. Jusqu'en 2002, leurs destins se confondent, elles sont amies, rivales, comme Ma Yan le montre bien dans son Journal...
Puis leurs sorts se divisent profondément. Celui de Ma Yan est connu, la parution du Journal bouleverse sa vie: elle est aujourd'hui lycéenne dans une grande ville du Ningxia, vit heureuse avec sa famille dans un appartement confortable, n'a plus de soucis matériels et, au contraire, contribue même, en donnant une partie de ses droits d'auteur, à aider de nombreux autres enfants de sa région natale. L'avenir lui appartient, elle le mérite bien.
Ma Shiping a eu jusqu'ici la vie qui aurait dû être celle de Ma Yan sans l'"accident" du Journal. A 16 ans, elle a été retirée de l'école et mariée de force. Elle nous a adressé une lettre à l'époque, qui commençait par cette phrase : "quand vous lirez cette lettre, je serai entrée dans le palais du mariage, c'est à dire le tombeau de la vie". Elle disait qu'elle avait voulu se suicider mais n'y était pas parvenue. Et signait : "écrit avec les larmes de 16 ans"... Quand je suis allée la voir dans sa nouvelle maison, un an plus tard, elle avait déjà un bébé, une fille. Elle vivait dans l'isolement d'une ferme du sud du Ningxia, loin de sa famille, avec un beau-père qui nous dit : "ma femme devient aveugle; si je n'avais pas marié mon fils, qui m'aurait fait la cuisine ?". Son mari, à peine plus agé qu'elle, est un brave type, forcé de passer des mois à travailler sur les chantiers des grandes villes pour gagner l'argent que la terre ingrate ne rapporte plus.
Lors de cette visite, Ma Shiping n'avait rien dit, ne s'était pas plainte, par timidité, par fierté. Mais peu de temps après, nous recevions une nouvelle lettre bouleversante : "Quand j’ai appris que vous viendriez me voir, j’étais heureuse. J’ai été si émue que je n’ai pas pu dormir la nuit J’avais beaucoup de choses a vous raconter. Mais quand je vous ai vus le lendemain, je n’ai pu dire une seule phrase. Je ne voulais que pleurer, mais je ne pouvais pas pleurer. Je ne suis pas une fille vulgaire, je ne peux pas partager ma peine avec vous. Je ne peux qu’avaler seule le fruit amer. L’homme n’a qu’une vie, l’herbe qu’un automne. Pour ma vie, j’ai pu vous voir chez moi, je suis deja satisfaite. J’entends souvent dire qu’on est heureux quand on est content de ce qu’on possede. Aujourd’hui, je vois deja la naissance d’une autre moi. Je ne veux pas qu’elle suive mon ancien chemin. Elle est mon espoir, je veux qu’elle comprenne pourquoi l’homme vit dans ce monde, pourquoi elle est venue dans ce monde". J'avais raconté son histoire dans un livre, Ma Yan et ses soeurs.
Depuis, avec des amis français à Pékin, nous avons aidé Ma Shiping à garder espoir, à ne pas couler. Lors de mon dernier séjour au Ningxia, il y a deux semaines, nous avons aidé cette jeune femme à franchir une étape supplémentaire et à prendre un peu plus son destin en mains. L'association Enfants du Ningxia lui a accordé un micro-crédit sans intérêt pour lui permettre d'ouvrir un magasin à Yuwang, la commune la plus proche de son village. Un crédit sans intérêt qui lui permet de tenter de sortir d'une logique d'assistanat et de misère pour tenter, avec son mari et son frère, de sortir de la misère à laquelle la condamne une agriculture mise à mal par la sécheresse. Son bonheur, ce jour-là, faisait plaisir à voir. Le Dscn6382_1succès n'est pas garanti, mais, au moins, son destin, sans connaître le changement radical et exceptionnel de sa cousine Ma Yan, aura tourné le dos à la fatalité du malheur. C'est cette image, plus que toutes les autres, que je veux garder en mémoire au moment de quitter la Chine.
(photo ci-contre: le 30 novembre, Ma Shiping signe l'accord de micro-crédit à Yuwang).

Rédigé par Pierre Haski le 19 décembre 2005 à 07:00 dans société | Lien permanent | Commentaires (36) | TrackBack (0)

18 décembre 2005

problemes techniques

Certains d'entre vous me signalent des anomalies sur le blog ce weekend : des photos qui n'apparaissent pas avec la mention "being restored",et des commentaires inaccessibles. De mon côté, étant à Hongkong et pouvant donc accéder au blog librement, je ne vois aucune anomalie quand j'utilise Firefox (que je recommande par ailleurs), mais il y a des problèmes quand j'y avais avec Safari. Ce n'est pas très normal et je fais un message au serveur Typepad pour le signaler. Mais sachez en tout cas que ce n'est pas de mon fait: pas de censure ou d'autocensure au moment d'arrêter...

PS : il y a effectivement eu un problème technique sur le serveur Typepad qui fait couler beaucoup d'encre sur la blogosphère... Ce qui reste étrange c'est que le blog est normal avec Firefox mais ne l'est pas avec Safari... Je verrai dans un ou deux jours s'il manque vraiment des choses que je rétablirai si possible.

Rédigé par Pierre Haski le 18 décembre 2005 à 08:43 dans Web/Tech | Lien permanent | Commentaires (9) | TrackBack (1)

17 décembre 2005

La Chine deux fois muette

Le sommet de l'OMC se termine dimanche à Hongkong, et tous les observateurs sont frappés par l'absence de ... la Chine! Elle est pourtant bien là, tant son ministre du commerce, Bo Xilai, que le monde chinois dans lequel se déroule cet événement considérable. Mais la Chine frappe par sa double absence : tant la discrétion de son gouvernement, que celle, bien réelle, de sa société civile.
La discrétion du gouvernement ne mérite pas qu'on s'y attarde trop : la diplomatie chinoise est très active, mais très autocentrée sur les intérêts immédiats de la Chine. Elle n'a pas encore déployé ses aîles à la mesure de la grande puissance qu'elle aspire à être. Elle ne s'intéresse à l'Afrique ou à l'Amérique latine que parce qu'elle a besoin de pétrole, de marchés... Pékin n'a pas encore une vision du monde : on l'a bien vu lors de la guerre d'Irak, où elle s'est soigneusement abritée derrière l'opposition franco-germano-russe à la politique de Bush, restant soigneusement en retrait pour ne pas prendre de coups. A Hongkong, la seule sortie de Bo Xilai a été pour répondre aux accusations américaines sur la politique commerciale chinoise et sur la contrefaçon, on attend vainement une prise de position sur les grands enjeux en négociation : là où le Brésil et l'Inde ont pris la tête du front du Sud, la Chine se tait, sachant sans doute qu'elle en retirera les bénéfices quoi qu'il arrive, vu son rôle central dans la nouvelle division internationale du travail.
L'absence de la société civile est plus grave, plus criante. A Hongkong, ont convergé des associations de producteurs de coton africains, des paysans brésiliens, des environnementalistes indiens, des syndicalistes européens, des défenseurs des migrants indonésiens, des femmes philippines, des pêcheurs thais, etc. Mais pas un seul Chinois n'a pu se rendre à Hongkong pour défendre le point de vue de la société. A l'issue de la première grande manifestation, mardi dernier, un syndicaliste hongkongais a justement fait observer cette absence : "Il n'y a que trois millions de paysans en Corée du Sud, mais 1500 d'entre eux sont venus à Hongkong défendre leurs revendications. En Chine, il y a 700 millions de paysans, mais il n'y en a pas un seul parmi nous", a-t-il déploré. J'ai passé l'après midi aujourd'hui avec des paysans brésiliens, indiens, sénégalais et français sur une jonque dans le port de Hongkong : l'absence des paysans chinois était là encore criante.
Cette absence de la société civile chinoise est, à mes yeux, la grande faiblesse actuelle de ce pays. Un embryon de société civile est en train d'émerger en Chine, mais ne bénéficie que d'une faible marge de manoeuvre comme l'ont montré les déboires des "avocats aux pieds nus", ces collectifs d'avocats qui ont pris la défense ces derniers temps de paysans chassés de leurs terres, d'habitants de logements dépossédés, ou de migrants non payés. Plusieurs d'entre eux sont en prison ou en exil, leurs cabinets Dsc_1003_1fermés. Le face à face entre le pouvoir et la population manque de facilitateurs comme peuvent l'être les ONG, et cela ne laisse pas d'autres options que les explosions régulières de violence comme celle qui vient de se produire dans le village de Dongzhou. Et le silence de la Chine de l'intérieur laisse le terrain libre à ses détracteurs, en particulier la secte Falun Gong qui en profite (voir la photo surréaliste prise ce samedi, de cette banderole apocalyptique dans le cadre futuriste de Hongkong). Ca devrait faire réfléchir à Pékin.

Rédigé par Pierre Haski le 17 décembre 2005 à 18:14 dans Politique | Lien permanent | Commentaires (23) | TrackBack (0)

15 décembre 2005

Vu de Bruxelles...

Bienvenue à Jean Quatremer, le correspondant de Libé à Bruxelles, qui vient de créer un blog qui rejoint la famille des blogs du journal. Ca promet d'être chaud car Jean n'est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds, et aura de la répartie. Eurosceptiques, n'allez pas trop chatouiller les narines de notre eurocorrespondant qui connait la mécanique communautaire comme sa poche. Bon vent aux "coulisses de l'UE" qui démarrent au moment où le "journal de Chine" prend fin : pas vraiment représentatif de l'état du monde, mais JQ ne sera sans doute pas d'accord.
Juste une anecdote interne à Libé : il y a bien longtemps, Jean et moi travaillions à produire le cahier Europe hebdomadaire de Libération. Un nouveau chef du service étranger arriva, en provenance directe de Hongkong et du monde chinois. Son premier commentaire : "vu de Chine, l'Europe c'est pas grand chose". Ca nous avait rendu furieux, mais, à la réflexion, je dois dire qu'il avait raison... Un premier sujet de débat pour le blog bruxellois ?

Rédigé par Pierre Haski le 15 décembre 2005 à 23:53 dans Weblogs | Lien permanent | Commentaires (11) | TrackBack (0)

13 décembre 2005

nouveaux maoistes

Dscn6475Ils sont arrivés, joyeux, faisant flotter bien haut leurs bannière rouge avec les portraits de  Marx, Lénine et Mao. Une présence incongrue au sein de la manifestation anti-OMC qui se déroulait mardi à Hongkong, pour coincider avec la réunion ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce. Plus incongru encore, leur message : "nous sommes les communistes de Hongkong", affirme le tract -rouge- qu'ils distribuaient en anglais et en chinois. Les "vrais" communistes, auraient-ils pu dire.
Car ces très jeunes étudiants hongkongais se réclament d'un maoisme pur et dur, et considèrent que Pékin a trahi. "Depuis que les révisionnistes sont parvenus au pouvoir dans les années 80, la Chine avance sur la voie néo-libérale. Le nombre d'entreprises d'Etat a diminué rapidement depuis vingt ans, et de nombreux travailleurs de ces entreprises sont au chômage. Le prolétariat est également exploité sur une large échelle. Les réussites de la révolution de 1949 sont exploités par la bourgeoisie. Depuis que la Chine a rejoint l'OMC et a signé divers accords mettant en péril la vie des paysans et des ouvriers, le prolétariat chinois vit opprimé par l'impérialisme et les capitallistes locaux".
J'ai essayé de discuter avec ces "nouveaux maos", dont l'un déguisé en soldat de la Longue marche, casquette à l'étoile rouge et parka militaire. Leur verdict est évidemment juste : la Chine a viré capitaliste... Mais leur solution laisse rêveur, surtout dans le contexte de l'opulence hongkongaise.
Dscn6480Un peu plus loin, je suis tombé sur d'autres portraits de Mao (voir la photo), mais le premier degré n'y était plus...

Rédigé par Pierre Haski le 13 décembre 2005 à 19:00 dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (16) | TrackBack (0)

11 décembre 2005

Dongzhou: les photos

51210052857731ssVoici des photos extraordinaires : dans le village de Dongzhou, dans la province du Guangdong, la police a ouvert le feu mardi dernier sur des paysans protestant contre la confiscation de leurs terres. Bilan : officiellement trois morts, jusqu'à vingt selon des habitants du village (j'en ai parlé dans Libé de samedi). Depuis, le village est bouclé par la police armée du peuple (PAP) et les journalistes en sont chassés. Mais des photos sont malgré tout sorties, et circulent dans les réseaux informés : la technologie empêche désormais de cacher totalement des 512090029011673_1événements comme celui-ci dont on n'aurait jamais entendu parler aussi vite et avec autant de visibilité auparavant.
Ces photos ne sont pas de grande qualité mais elles sont suffisamment éloquentes. L'équipement des policiers envoyés dans ce village en dit long, déjà, sur le degré de tension et de violence auxquels ils étaient préparés. En cinq ans en Chine, je n'en ai pas souvent vus d'aussi bien harnachés (la France est, je crois, gros fournisseur d'équipement anti-émeute pour la police chinoise!). Les 512090053421673ss_1policiers ont dû visiblement essuyer des jets de cocktails molotiv de la part des paysans très remontés contre les conditions dans lesquelles leurs terres ont été confisquées pour laisser la place à une centrale électrique éolienne. Paradoxe chinois : un projet très "écolo" d'énergie renouvelable se fait aux dépens des paysans lésés dans un contexte de corruption généralisé. Autre élément frappant de ces photos, les paysans agenouillés devant les policiers, éternel rapport de soumission entre le monde rural et les représentants du pouvoir. Et cette autre photo où les paysans tiennent des bâtons d'encens face aux policiers transformés en robocop...
Après quatre jours de silence, les autorités ont annoncé une enquête, et ont même arrêté le chef du détachement de la police paramilitaire qui dirigeait les opérations ce 512092257231673_1jour-là. Il est clair que la très importante médiatisation internationale de cette affaire est à l'origine de cette réaction "exemplaire". Tout le monde a relévé que c'était la première fois que la police tirait sur des manifestants depuis le massacre de la place Tiananmen, en juin 1989. Tout un symbole.

Rédigé par Pierre Haski le 11 décembre 2005 à 11:49 dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (39) | TrackBack (6)

08 décembre 2005

Pekin-Shanghai

3onbund_2Passer de Pékin à Shanghaï, c'est un peu comme changer de pays. J'ai quitté ce matin une ville frigorifiée, rugueuse, brut de décoffrage, pour arriver deux heures plus tard dans un climat un peu plus doux, une vitrine plus polissée, plus clinquante, de la réalité chinoise. C'est une chose qu'on apprend vite à son arrivée en Chine : il faut choisir son camp. On est pour Pékin, ou pour Shanghaï! On ne peut pas aimer les deux villes, au risque de se vooir mépriser par les uns comme par les autres. J'ai donc choisi mon camp, et c'est Pékin, sans hésiter. J'apprécie à chaque visite la sophistication shanghaïenne, mais très vite l'authenticité pékinoise et la spontanéité de ses habitants me manquent.
Pékin, hélas, veut aujourd'hui concurrencer Shanghaï sur son propre terrain. En allant à l'aéroport ce matin, je suis passé devant la palissade qui vient d'être érigée à Sanlitun, le quartier des bars et ... des ambassades : pour cacher le gigantesque chantier de quelque mall, on a décliné les images du futur "new Sanlitun" avec des références internationales, et pour Paris, c'est la place Vendôme qui a été choisie, c'est-à-dire un endroit chic et cher, magnifique mais sans âme autre que celle des joalliers de luxe. Je n'aime pas Sanlitun et ses bars vulgaires à expat, mais passer des "ladies bar" qui vous raccolent dans la rue à la Place Vendôme, il y a un pas que Pékin s'apprête à franchir. Alors tant qu'à faire, autant venir à Shanghaï, ils savent mieux y faire dans ce registre...
(photo : 3 on the Bund, Shanghaï)

Rédigé par Pierre Haski le 8 décembre 2005 à 16:55 dans Voyages | Lien permanent | Commentaires (41) | TrackBack (0)

04 décembre 2005

a star is born

Anais_chanteUn froid polaire s'est abattu sur Pékin ce weekend. Mais samedi soir, peu après minuit, alors que la bise soufflait sur le nord de la Chine, à l'intérieur du Club 13, non loin de l'université de Tsinghua, une voix douce fredonnait des paroles de Pierre Perret et redonnait un peu de chaleur à quelques dizaines de Chinois et quelques étrangers sortis de leurs tannières. Accompagnée à la guitare par Zhang Weiwei, un talentueux musicien de folk originaire du Gansu, Anais Martane a fait passer un peu de tendresse dans ce climat violent. Merci!

Rédigé par Pierre Haski le 4 décembre 2005 à 18:54 dans France-Chine | Lien permanent | Commentaires (50) | TrackBack (0)

03 décembre 2005

anniversaire suite

Merci à toutes et à tous ceux qui ont exprimé soutien et encouragements à l'occasion du premier anniversaire de ce blog, et de mon prochain retour en France. Merci aussi à ceux qui le critiquent mais continuent d'y venir et d'y participer activement...
Réponse en vrac à quelques questions:
- Il y aura bien un nouveau correspondant de Libération à Pékin. Malgré les difficultés actuelles du journal, il est évident que Pékin reste ouvert, en raison de l'importance croissante de l'actualité de ce pays, et de la perspective des JO de 2008. Donc pas d'inquiétude, la couverture chinoise continuera, avec la sensibilité et la personnalité différentes du (ou de la...) prochain correspondant.
- Le blog devrait continuer à être accessible en archive. Le prochain correspondant reprendra-t-il la forme du blog ? A voir...
- Un blog de Paris ?... L'idée est séduisante car le retour en France après plus de cinq ans d'absence constitue, je l'imagine bien, un choc culturel! Mais je me vois mal tenir cette chronique au quotidien comme en Chine. Je ne suis pas certain que l'intérêt des lecteurs soit aussi grand que dans la découverte de la Chine...
- Qu'est-ce que je vais faire à Paris ?... Participer à la définition d'une nouvelle formule de Libération, à l'heure de la complémentarité web-papier. Il n'a échappé à personne que Libération, comme les autres quotidiens français et étrangers, est bousculé par les nouvelles technologies, les changements dans les modes d'information. A cette crise structurelle s'ajoutent les problèmes spécifiques à ce journal, à son histoire, à sa culture, à ses différentes "vies"... Il nous faut donc nous réinventer une nouvelle fois. Un beau défi en perspective, auquel l'équipe du journal, après la récente grève, est en train de s'atteler. En espérant qu'à l'arrivée, vous vous y retrouverez, vous les lecteurs...

Rédigé par Pierre Haski le 3 décembre 2005 à 10:10 dans Weblogs | Lien permanent | Commentaires (16) | TrackBack (0)

30 novembre 2005

réponse aux pirates

Voilà une bonne surprise : le droit de réponse existe en Chine, je l'ai expérimenté. Il y a une dizaine de jours, j'ai découvert un article dans le Quotidien de la Jeunesse de Pékin, l'un des plus gros tirages de la capitale, consacré à cette affaire de film "piraté" du Journal de Ma Yan dont j'ai déjà parlé sur ce blog. Cet article, basé sur une interview du réalisateur, contenait des affirmations mensongères, voire diffamatoires à mon égard. L'auteur n'avait pas tenté de prendre contact avec moi, se contentant d'écrire que mes positions sur ce film "sont bien connues"... J'étais furieux. Je décidais d'essayer de tenter d'obtenir un "droit de réponse", notion très clairement définie dans le droit français, mais qui n'existe pas sur une base légale en Chine. Et à ma grande surprise, je l'ai obtenu. L'auteur du premier article est venu m'interviewer, et son article a été publié le 25 novembre, reprenant assez fidèlement mon point de vue. L'article est titré "pourquoi Han Shi (mon nom chinois) conteste les droits du film du Journal de Ma Yan", avec en sous-titre : "Première réponse sur le différend sur les droits: il dit qu’une partie des droits devrait aider des enfants du Ningxia".
Rappel des épisodes précédents... J'ai découvert l'an dernier qu'un réalisateur chinois avait fait une adaptation cinématographique du Journal de Ma Yan (dont Ma Yan et moi sommes les co-auteurs) -sous le titre chinois "sur le chemin de l'école", et le titre anglais plus explicite  "the story of Xiao Yan"-, sans avoir obtenu ou même demandé les droits d'adaptation. Film (de propagande) produit, découvrons nous, par un studio d'Etat. Quelques temps après, le producteur de ce film m'appelle et me dit texto : "en Chine on ne pense pas tout de suite à ces choses là, mais il parait qu'on doit vous demander l'autorisation"...  Nous entamons une négociation sur deux points : un texte à placer en début de film qui explique qu'il est inspiré par le Journal de Ma Yan, cite le livre et l'association Enfants du Ningxia. Le deuxième point a été plus complexe : ne voulant pas en faire une affaire d'argent, je demande qu'une partie des recettes -un yuan par ticket d'entrée- soit consacré à aider des écoles du Ningxia. Un projet d'accord est rédigé, mais les producteurs refusent finalement de le signer. Nous leur signifions alors qu'en l'absence d'accord, ils ne peuvent pas diffuser leur film. Ils répondent en effectuant un virage à 180° : "notre film n'a rien à voir avec votre livre"...
Depuis, nous nous faisons la guerre. J'avais raconté sur le blog comment j'avais découvert le stand qui tentait de vendre le film lors du festival de Hongkong au printemps. Puis, ils ont réussi à diffuser leur film au festival de Shanghai, en Iran (!), et, plus génant, dans des festivals en Italie et en Allemagne. Le mois dernier, j'ai découvert qu'il était programmé dans un festival de films pour la jeunesse à Londres, au musée Barbican. Un gros coup pour eux. J'ai alors écrit à la directrice du festival, qui, après avoir vérifié mes affirmations, a accepté de retirer le film alors que des places avaient déjà été vendues. Ca a rendu le réalisateur furieux, qui a suscité cette interview dans le Quotidien de la Jeunesse de Pékin, reprenant uniquement sa version.
Dscn3574Morale de l'histoire : les journalistes concernés, qui n'avaient pas agi très professionnellement en ne donnant la parole qu'à une seule partie, ont agi honnêtement en acceptant ce "droit de réponse". C'est rassurant sur le comportement de ces journalistes, c'est aussi rassurant sur le fait que les "pirates d'Etat" n'agissent pas en toute impunité, même en Chine, et ne peuvent pas imposer leur loi lorsqu'ils violent allègrement celles de la propriété intellectuelle. En attendant, l'impasse se poursuit, mais mon honneur est sauf!
(photo: le directeur d'une des écoles du Ningxia aidées grâce aux retombées du Journal de Ma Yan)

Rédigé par Pierre Haski le 30 novembre 2005 à 07:05 dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (13) | TrackBack (0)

29 novembre 2005

numerique

Il y a quelques mois, j'avais évoqué ma surprise de voir les contractuelles pékinoises prendre des photos numériques des voitures verbalisées. J'avais été surpris de voir la technologie utilisée aussi rapidement alors que trois ans plus tôt, j'avais été confronté à des policiers qui voulaient me saisir mes photos d'une manif et n'avaient jamais vu un appareil numérique. J'étais admiratif tout en me demandant toutefois à quoi pouvaient servir ces photos...
J'ai eu la réponse hier. Je suis allé payer mes PV à la police, préalable indispensable au contrôle technique de ma voiture. Et là où, les années précédentes, je ne retrouvais qu'un PV sur dix, les autres étant perdus dans les méandres bureaucratiques, il y avait cette fois un impressionnant système informatisé, avec, oh surprise, la photo de Dscn3155chacune de mes infractions! Ca fait un drôle d'effet de voir sa voiture garée n'importe comment sur cet écran d'un étonnant poste de police en préfabriqué, installé sous un pont du deuxième périphérique de Pékin... En tout cas, j'ai la réponse à ma question, et, surtout, j'ai compris qu'il était inutile de contester le moindre de ces PV... (200 yuans, 20 euros, le stationnement interdit, ça fait cher pour Pékin).
(photo : interdit de stationner ?)

Rédigé par Pierre Haski le 29 novembre 2005 à 17:39 dans société | Lien permanent | Commentaires (19) | TrackBack (0)